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dans l’autre, elle s’était arrêtée sur le bord du ruisseau, oubliant de manger pour examiner ce dormeur qui lui était inconnu. Bigarreau, toujours immobile, feignait de continuer son somme, afin de ruminer ce qu’il allait dire et faire en cette conjoncture, et, tout à travers ses réflexions, il épiait sournoisement la nouvelle venue.

Elle était vêtue simplement d’une chemise de grosse toile nouée au cou par une coulisse, et d’une jupe de laine assez courte et effilochée, qui laissait voir presque jusqu’aux genoux deux jambes nues aux mollets zébrés d’égratignures et aux pieds chaussés de brodequins trop larges. Ses bras nus et maigres étaient bronzés par le hâle, ainsi que son visage, dont la marche et la chaleur avaient néanmoins rosé les joues. Ses cheveux bruns, très abondants et mal retenus par un peigne de corne, retombaient en mèches frisottantes sur sa nuque, sur son front et jusque sur deux yeux noirs, très ouverts, qui regardaient avec un mélange de curiosité et de méfiance Bigarreau vautré dans les grandes herbes. — L’examen, en somme, ne parut pas avoir été trop défavorable. L’ex-numéro vingt-quatre