Page:Theuriet - Bigarreau, 1886.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

investigations, il découvrit des fraises mûres dans l’herbe d’un talus exposé au midi, et des framboises sauvages dans les halliers qui avoisinaient le ruisseau. Le déjeuner était frugal, mais exquis, et, après avoir dépouillé fraisiers et framboisiers, maître Bigarreau se trouva un peu ragaillardi. Alors il s’étendit sur la pelouse, la tête à l’ombre et les pieds au soleil, et, bercé par le glouglou du ruisseau, il s’assoupit légèrement.

Ce doux somme durait depuis une heure environ, quand il fut troublé par un bruit de branches froissées et surtout par une fraîche voix féminine, dont Bigarreau crut d’abord entendre la chanson dans un rêve. Il entr’ouvrit les yeux ; mais, avec cette prudence acquise pendant son séjour à la centrale et devenue en quelque sorte une seconde nature, il ne bougea pas, afin de voir autant que possible sans être vu. Précaution inutile, car il était déjà lui-même depuis deux minutes un sujet d’observation.

Il aperçut à dix pas la chanteuse dont la voix l’avait éveillé. C’était une fillette de quinze ans environ. Un panier à demi rempli de fraises dans une main, un morceau de pain de ménage