Page:Theuriet - Bigarreau, 1886.djvu/261

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

premières semences de l’herbe d’amour. Deux ans plus tard, comme je rentrais d’une excursion faite pendant la semaine de Pâques, on me pria de passer chez mademoiselle Sophie, qui était tombée malade et qui voulait me parler. Elle avait attrapé dans les courants d’air de son grenier une fluxion de poitrine qui, à son âge, menaçait d’avoir un dénouement funeste. Je la trouvai étendue sur son lit de bois peint. Elle était toute haletante et déjà très faible. — C’est toi, petit, murmura-t-elle d’une voix essoufflée quand nous fûmes seuls ; tu arrives à propos, car je n’en ai plus pour longtemps… Je sens que c’est fini… Écoute bien… Après ma mort, mes collatéraux viendront fouiller dans mes affaires, et je ne veux pas que mes reliques tombent entre les mains de ma sœur Lénette. Ce serait un sacrilège.

Elle s’arrêta pour reprendre son souffle, et tira de dessous ses couvertures le coffret à incrustations : — Je te le lègue, reprit-elle, garde-le en souvenir de moi. Ouvre-le de temps en temps, pense à Joseph, et aussi à la vieille Sophie qui l’a bien aimé et qui mourra avec son nom sur les lèvres… Adieu, petit, prends garde