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papiers qui accompagnaient la lettre que j’avais seule lue : le premier était l’extrait d’un arrêté du Comité de Salut public, en date du 10 brumaire an II, qui renvoyait devant le tribunal de Paris le nommé Jean-Joseph Guiod, âgé de vingt-cinq ans, accusé d’avoir eu des relations avec les frères du ci-devant roi, et d’avoir tenté de faire passer à l’étranger des espèces monnayées d’or et d’argent ; — le second était un fragment de journal du 20 brumaire, contenant la liste des personnes exécutées la veille, et, à côté du nom de la citoyenne Roland, j’y lus celui de Joseph Guiod.

— Voilà ce qui me restait de lui, dit notre voisine en essuyant ses yeux et en renouant avec peine la faveur bleue autour des papiers jaunis. Je déposai tout dans cette cassette et j’y enfermai aussi mon cœur. Depuis cette horrible date de brumaire an II, je ne vécus plus qu’avec mes souvenirs ; je ne parlai à personne de ce que ma sœur Lénette appelait charitablement « mes scandaleux écarts de conduite. » Plus tard, quand mes sœurs furent établies, on voulut me marier à mon tour, mais je refusai net. Je m’étais juré de demeurer fidèle à Joseph et je me suis tenu