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Joseph Guiod, car c’était lui, vint chez nous en 1791. Je le vois toujours entrer dans notre salle basse avec son bonnet de fourrure et sa redingote à petit collet. On l’installa au premier étage et il prit ses repas avec nous. Mais il arriva une chose qu’on n’avait pas prévue. Joseph qui ne connaissait ma sœur Lénette que par correspondance, ne se sentit aucun goût pour elle, et par contre, une secrète sympathie s’établit entre lui et moi, dès les premiers jours. Lénette a toujours été positive et très prosaïque ; moi, j’étais expansive et même un peu exaltée. Joseph et moi, nous lisions ensemble ; nous herborisions dans les bois de Rembercourt, voisins d’une ferme que possédait mon père. Joseph était très versé dans les sciences naturelles, et, tout en m’enseignant la botanique, il finit par s’apercevoir qu’il m’aimait et que je l’aimais. Nous nous le dîmes dans cette ferme de Rembercourt, un matin où les oreilles d’ours commençaient à fleurir dans les plates-bandes, et nous résolûmes de garder le secret de notre mutuelle affection, jusqu’au jour où j’aurais atteint mes vingt et un ans. Mais il se dégage d’un amour caché une subtile odeur qui le trahit. Ma sœur Lénette fut la première à s’en