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garçon, et tu garderas honnêtement le secret que je te confie.

Elle m’avait fait asseoir tout près d’elle, sur un petit tabouret. Le coffret était entre nous, et de ma place je voyais le grand cytise du jardin frôler les carreaux de la fenêtre de ses longues grappes jaunes épanouies. Alors mademoiselle Sophie, tenant toujours mes mains dans les siennes, commença d’une voix un peu étouffée par l’émotion :

— Mon père avait quatre enfants : un fils qui est mort à l’armée, ma sœur Lénette, qui a épousé le pharmacien Péchoin, une autre sœur qui est mariée aux Anglecourts, et moi, la plus jeune. On m’avait mise au couvent des Augustines et on avait décidé que je serais religieuse. Quand les couvents furent fermés, à la Révolution, et les religieuses relevées de leurs vœux, je revins à la maison, ce qui ne fit nullement plaisir à ma famille. Pendant mon noviciat, ma sœur Lénette avait été fiancée à un jeune homme de Besançon. Il avait été convenu entre les deux familles qu’il viendrait passer ses fiançailles à Juvigny, et qu’il reprendrait la charge de mon père qui était greffier au tribunal du district.