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contenait le tome Ier des Lettres Persanes, imprimées à Amsterdam « chez Jacques Desbordes, 1740. » Sur la feuille de garde, je lus en belle bâtarde semblable à celle de la lettre : « Ex libris Joannis Josephi Guiod Bisuntini, 1790. » — et à l’endroit où pendait le signet de soie vert-pomme, je trouvai, desséchée et noircie par le temps, la fleurette cueillie au jardin de Rembercourt et qui avait reçu le dernier baiser de l’amoureux.

Les feuillets du livre gardaient l’empreinte laissée par la sève juteuse de la corolle fraîche. Il me semblait que quelque chose de la personnalité de Joseph Guiod était resté dans les marques de la sève extravasée. En décollant pieusement la fleurette, je m’aperçus qu’elle était fixée au papier par une étroite et mince étiquette passée dans la tige, et sur laquelle Joseph lui-même, qui devait être un botaniste, en sa qualité de Franc-Comtois, avait écrit en caractères menus : « Primula auricula. » Cela ne me disait pas grand’chose, mais je consultai le premier livre de botanique qui me tomba sous la main, et j’appris le nom vulgaire de la plante. C’était une oreille d’ours, fleur de la famille des prime-