Page:Theuriet - Bigarreau, 1886.djvu/240

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tôme. Tout à coup un craquement funèbre partait des profondeurs du meuble, comme si le spectre, fatigué de sa réclusion, se fût décidé à pousser les deux battants et à apparaître en face du curieux qui venait troubler son repos, alors je reculais jusque dans la partie éclairée du grenier, tremblant à la fois et fier de mon audace.

À quatorze ans, ma croyance au spectre avait disparu, mais ma curiosité m’était restée. Le mystère de l’armoire hermétiquement close et visitée de loin en loin par mademoiselle Sophie, qui y serrait son linge et ses objets les plus précieux, agitait toujours mon imagination et m’intriguait d’autant plus, qu’après chaque visite, la vieille cousine descendait du grenier avec l’œil plus humide et le front plus pensif. Un jour, comme elle y montait, je la suivis en tapinois, et, caché derrière un paravent troué, j’assistai à la solennelle ouverture du meuble. Un prêtre qui ouvre le tabernacle ou la châsse aux reliques, n’y met pas plus de recueillement et de pieuses précautions. L’un des battants était entre-bâillé, mais cela ne m’avançait guère, à cause de l’obscurité qui régnait dans cette encoignure. Heureusement, un filet de soleil, filtrant