Page:Theuriet - Bigarreau, 1886.djvu/239

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

véritable hospice d’invalides pour les meubles. Je l’avais choisi pour mon retrait favori ; dès mes plus jeunes années, je m’y aventurais comme Robinson dans son île, et j’y faisais toujours de nouvelles découvertes : — bouquins dépareillés, cahiers de romances copiées à la main sur du gros papier grenu et verdâtre, uniformes rongés par les mites, épées rouillées, microscopes détraqués, boites à musique ne disant plus que la moitié de leurs airs ; il y avait de tout dans ce fouillis.

Au fond, dans le coin le plus ténébreux, se dressait une haute armoire de noyer sculpté, dont les ferrures luisaient faiblement dans l’obscurité, et dont les panneaux ornés de figures grimaçantes avaient une physionomie étrange. Dans ma petite enfance, la voisine m’avait dit qu’il ne fallait pas rôder près de cette mystérieuse armoire parce qu’il y revenait un spectre, et cette défense, tout en m’emplissant d’une crainte respectueuse, n’avait fait qu’accroître ma curiosité. Dès que j’étais seul, je me glissais avec un léger frisson parmi les entassements de vieilleries qui aboutissaient à l’armoire, et je m’avançais bravement à la rencontre du fan-