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fabriquent leur vin et qu’on nomme des fouleries. Cette foulerie était plongée dans une ombre crépusculaire d’où se détachaient de hautes cuves sonores et de confus entassements de tonneaux. On montait quelques marches et on se trouvait dans la cuisine, dont le mobilier datait du dix-huitième siècle : rideaux à petit quadrillé rose et blanc, bouilloires d’un jaune d’or, fontaine de cuivre rouge repoussé, cafetières ventrues perchées sur trois pieds recourbés, tous ces ustensiles d’autrefois dont on voit les formes élégantes et familières dans les tableaux de Chardin. En contre-bas, s’ouvrait la chambre de notre vieille voisine, meublée dans le même goût, et dont la fenêtre prenait jour sur un jardin aux murs tapissés d’aristoloches, aux massifs peuplés de framboisiers.

Toutes ces choses du vieux temps étaient un cadre fait à souhait pour la figure de mademoiselle Sophie. — Septuagénaire, mais encore verte d’allure ; de taille moyenne, rondelette, la joue ridée et colorée comme une reinette qui a passé l’hiver, l’œil d’un brun vif, le nez proéminent, la lèvre charnue, le menton de galoche encore accentué par des dents manquantes, elle