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alouettes gazouillaient en plein ciel, des bouillonnements d’écluse, des chants de coqs et des voix d’enfants montaient du village. C’était un gai spectacle que celui de la vallée baignée dans l’ensoleillement de cette matinée d’été ; mais les jeunes terrassiers de la friche de Montgérand n’en jouissaient guère.

Sous l’œil d’argus du gardien-chef Seurrot, ils remuaient la terre et on ne leur laissait pas le loisir de bayer aux mouches. Les aînés maniaient la pioche, les plus petits se mettaient à deux pour pousser la brouette. Les dos couverts de grosse toile et les têtes coiffées de chapeaux de paille, sans cesse en mouvement, semaient sur le sol grisâtre et pierreux un fourmillement de taches blanches. Quand les gamins se relevaient pour s’essuyer le front, le lumineux aspect de la vallée verdoyante, loin de produire un effet de calme et de réconfort, éveillait dans ces poitrines d’enfant une sourde irritation. Cette invitation à la joie, éparse dans l’air, avait pour eux quelque chose d’ironique et de cruel. Le libre essor des alouettes, les courses vagabondes des hirondelles au ras de la rivière, leur rappelaient presque amèrement le travail forcé, les