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créature qui visait à devenir Madame Jean Trémereuc, quand elle, Marie-Ange, bien qu’elle aimât le maître avec tout le sang de son cœur, n’avait jamais songé, même en rêve, à être autre chose que sa servante !… Et Trémereuc se laissait prendre aux mines enjôleuses et aux diaboliques sorcelleries de cette réprouvée !… La pauvre fille ne pouvait même plus en douter ; il la trompait, il était cousu aux jupes de cette baladine qui le traînait derrière elle comme un chien en laisse… On en jasait déjà dans la paroisse… Non, non, c’était trop de malheur !…

Tout en étendant son linge, Marie-Ange se ruminait toutes ces choses ; des bouffées de colère lui montaient aux joues et elle souffrait si cruellement qu’elle n’avait plus la force de lever les bras… Et toujours, là-bas, dans la salle, le rire insolent de Pasciline retentissait et lui perçait le cœur.

Ils sortirent enfin. Elle les aperçut qui descendaient lentement les degrés verdâtres du perron bordé de lauriers-tins. — Tête nue, ses magnifiques cheveux noirs moutonnant librement sur ses épaules, la comédienne donnait le bras à Jean Trémereuc et de sa main restée libre, agitait au-dessus de sa figure rieuse un grand éven-