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prolongés. Avec un art raffiné et une grâce provocante, elle prodiguait à Trémereuc toutes les chatteries qui pouvaient incendier son tempérament facilement inflammable. N’étant nullement prude, elle lui laissait apercevoir de sa beauté tout ce qu’il fallait pour faire désirer le reste. Elle lui permettait libéralement ces alléchantes privautés, que nos pères baptisaient du nom de petite oie ; mais quand le poète, chauffé à grand feu, était monté au summum du désir, elle tirait prestement l’échelle, se retranchant derrière sa dignité et le rembarrant avec de brusques regards sévères.

Marie-Ange, à qui la jalousie ouvrait les yeux, avait deviné peu à peu tout ce manège. Bouillonnant d’une colère sourde, le cœur meurtri et ulcéré, elle cachait sauvagement son indignation sous un masque de sournoiserie paysanne. — Quoi, cette Parisienne voulait épouser le maître de Morgrève ?… Encore, si c’eût été une dame pour de vrai, mais une comédienne, une rouleuse !… Car Marie-Ange n’ignorait rien ; Pascaline, habituée à jaser familièrement avec ses femmes de chambre, n’avait pu se tenir de lui conter ses succès au théâtre : — C’était cette