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avait acceptés sans façon ; mais à mesure que cette dernière prolongeait son séjour au manoir, l’inquiétude reprenait la soupçonneuse paysanne et la jalousie la travaillait de nouveau.

Vraiment, il y avait de quoi, et Pascaline ne cachait pas assez son jeu. Elle agissait un peu trop comme si elle eût été maîtresse souveraine à Morgrève, réglant les menus des repas, cueillant les fruits, dont elle expédiait des panerées à ses camarades de Paris, allant elle-même récolter les œufs dans le poulailler et surveiller la manipulation du beurre à la laiterie. Cela l’amusait de jouer à la châtelaine, et cette vie rustique, qui avait pour elle toute la fraîcheur de la nouveauté, faisait une agréable diversion à son existence de cabotine.

D’ailleurs, depuis le premier jour de son arrivée au manoir, de secrètes idées ambitieuses poussaient dans son cerveau. Elle songeait que Trémereuc avait une jolie fortune, et qu’il y aurait plaisir et profit à devenir pour tout de bon la maîtresse légitime du domaine de Morgrève. — Cela vaudrait mieux encore que de se faire épouser par un acteur, fût-il chef d’emploi. — Elle voyait déjà la tête des petites camarades,