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les raffinements. Marie-Ange était de ces natures-là, et très ingénument, avec une tendresse à la fois voluptueuse et chaste, elle plongea Trémereuc dans un si délectable bain de plaisir, qu’il en oublia le reste du monde.

Autour de lui, on cria bien un peu au scandale, mais il n’en prit point souci. Marie-Ange, d’ailleurs, avait du tact et savait se tenir à sa place. Elle n’avait point quitté ses habits de paysanne ; seulement sa coiffe, d’un blanc de neige, était ornée de fines dentelles et son tablier de soie à bavette dessinait admirablement la souple rondeur de son buste. Jean ne l’en aimait que mieux et ne se rassasiait pas de le lui dire. — Les jours se passaient ainsi, mollement, nonchalamment, entrecoupés de plaisirs tout rustiques. Jean chassait, péchait, faisait valoir ses terres et vivait plantureusement. Lui, qui était arrivé à Morgrève, svelte et maigre, avait maintenant les joues pleines et commençait à prendre du ventre. Il n’écrivait plus guère, ne songeait à la littérature que pour en rire et s’enfonçait jusqu’aux oreilles dans son paresseux bonheur. Quand il repensait au temps d’autrefois, Paris lui paraissait éloigné et confus, comme