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— Ce maître, c’est moi, répliqua Jean, et puisque vous allez au manoir, nous nous en retournerons en compagnie. »

La pêcheuse de lançons rougit légèrement, sourit de nouveau, et, modelant son pas sur celui de Trémereuc, se mit à cheminer près de lui.

Ils laissèrent le village à gauche et gagnèrent la hauteur par un chemin creux, où des buissons de houx et de grands châtaigniers les enfermaient sous un épais couvert de feuillée. Chemin faisant, ils jasèrent familièrement. La fillette n’était pas timide et avait une embobelinante façon de regarder le monde. Au bout d’un quart d’heure, Jean Trémereuc savait qu’elle se nommait Marie-Ange Jutel ; que son père, parti depuis deux ans pour le banc de Terre-Neuve, n’avait plus donné de ses nouvelles ; qu’elle vivait très pauvrement, avec sa mère la Jutelle, pêchant sur la grève et façonnant de la dentelle bretonne, en attendant qu’elle pût se louer dans quelque métairie.

« Est-ce que ça vous amuse d’aller en condition ? » demanda Jean.

Les lèvres de Marie-Ange ébauchèrent une moue mélancolique.