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regardait la mer, et dont l’autre, couvert de châtaigneraies, descendait jusqu’à un étang encaissé dans les bois. Le site était paisible, plantureux et vert, avec des coins très intimes, et, par endroits, d’admirables échappées sur les capricieuses découpures de la côte, sur les îlots rocheux où la mer bleue moutonnait en écumes blanches. Jean s’y installa avec amour. Une bibliothèque abondamment pourvue lui promettait d’agréables lectures pour les longues soirées d’hiver ; des journaux et des revues le tenaient au courant du mouvement intellectuel, et, afin de ne pas trop se rouiller, il avait projeté de faire une fugue à Paris deux fois l’an, au printemps et à l’automne. La première année, il exécuta fidèlement cette partie de son programme ; l’an d’après, ses amis le virent encore débarquer pour l’ouverture du Salon. Il apportait à une revue un cycle de poèmes rustiques, afin de prouver, disait-il que la campagne ne l’avait pas trop encroûté. — Puis, il ne reparut plus, il ne donna signe de vie à personne ; le silence poussa autour de son nom, comme l’herbe autour du pavé d’une rue de province ; et quand, par hasard, aux dîners de la Marmite ou de la Macédoine, un revenant de-