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air méditatif et voilé qui convient mieux aux poètes qu’aux hommes d’action. En somme, il manquait de cette activité opiniâtre et patiente, si nécessaire dans la carrière du théâtre, et ce premier échec le rebuta. Il était en train de se demander s’il ne s’était pas trompé sur sa vocation, quand un sien cousin, qui habitait aux environs de Saint-Malo, mourut subitement en lui léguant dix mille francs de rente, plus un domaine, moitié ferme et moitié manoir, situé à Morgrève-en-Saint-Briac.

Cet héritage inattendu modifia les façons de voir en même temps qu’il changea la vie de Trémereuc. Il ne renonça pas formellement à écrire, mais ses récents déboires l’avaient dégoûté de l’existence parisienne. Maintenant qu’il était largement assuré du pain quotidien, il résolut de s’établir en province, d’y travailler à ses heures et seulement quand viendrait l’inspiration. Il avait toujours aimé la campagne et il se hâta d’aller prendre possession de son nouveau domaine.

Morgrève lui plut. C’était un manoir à tourelles, perché, à une demie lieue de Saint-Briac, sur une hauteur dont l’un des versants