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enchantements de l’Alhambra, je me sentais esseulé et séparé de la Pamplina par des centaines de lieues. — J’allais m’asseoir à l’extrémité des jardins en terrasse qui longent la tour de l’Armeria et d’où l’on domine la Vega de Grenade. Là, enfoui dans des buissons de roses, je promenais mélancoliquement mes regards sur la ville aux maisons peintes, sur la plaine fertile et verdoyante, sur les vives arêtes des montagnes qui font à ce paradis une ceinture de cimes bleues, lilas ou neigeuses, et, songeant aux désillusionnantes révélations de Pastora Florès, je sentais mes yeux s’emplir de larmes à la vue de toutes ces splendeurs d’où le bonheur semblait banni pour moi. Je pleurais sur mon amour blessé à mort, comme on dit que le roi Boabdil pleura quand, du haut de la sierra d’Elvire, il jeta un dernier adieu à ce royaume de Grenade d’où il était exilé pour toujours…

Un soir, comme je sortais de l’Alhambra par la porte du Jugement, j’aperçus, débouchant d’une avenue d’un vert tendre, où des arbres de Judée mêlaient leur tendre floraison rose, une vingtaine de séminaristes de dix-huit à vingt ans, en soutanes noires, liserées de rouge vif. Ils