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gouailleuse ; je vous ai pourtant fait plus d’une commission, dans le temps que vous étiez à Villotte !

Pour le coup, les souvenirs du garde général se réveillèrent.

— Bigarreau ! s’écria-t-il.

Il se rappelait maintenant ce gamin de huit ans aux cheveux embroussaillés, couleur de paille, qui vagabondait dans les rues de sa petite ville, vêtu d’une mauvaise chemise et d’un pantalon en loques, et qui se drapait dans ses guenilles avec une insouciance et une drôlerie si amusantes. Ses joues rebondies et rosées, ses lèvres couleur de cerise lui avaient valu ce nom de « Bigarreau » dont l’avaient baptisé les gens du cru. Né d’un père inconnu et d’une pauvresse qui le laissait à l’abandon, il vivait sur le domaine public et exerçait pour vivre cent métiers industrieux, dont le plus honorable consistait à porter les billets doux des jeunes gens aux grisettes du faubourg. L’été, dans la saison des bains, il gardait les vêtements des baigneurs, assis à l’ombre, sur la berge de la rivière, fumant des cigarettes et riant aux éclats lorsqu’un nageur novice lâchait son paquet de joncs et