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À mesure que nous approchions de Grenade, la gaîté de la Pamplina s’évanouissait. Elle devenait taciturne, et, les sourcils froncés, les yeux assombris, elle regardait d’un air farouche s’accuser plus nettement les lignes des montagnes qui entourent la Vega[1] de leurs crêtes azurées ou neigeuses ; à la tombée de la nuit, comme nous distinguions déjà dans les ombres accrues les lumières des faubourgs, elle quitta la galera et vint se placer auprès de ma mule.

— Ramon, me dit-elle d’une voix légèrement hésitante, nous allons être arrivés. Tu iras te loger à la Puerta-Réal, dans une casa de huespedes[2], qui est au coin de la carrera del Darro. Quant à moi, dès que je serai installée, je te ferai savoir où et comment nous pourrons nous voir.

— Eh quoi ! m’écriai-je interdit, je ne demeurerai donc pas avec toi ?

— C’est impossible, pauvret. Ici, à Grenade, je suis obligée à plus de circonspection… Je n’y ai pas tout à fait la même liberté qu’à Séville, parce que…

  1. Nom de la plaine de Grenade.
  2. Maison meublée.