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par un gamin, et je m’en revenais de fort méchante humeur calle Dados.

Un soir que je rentrais fort triste, après avoir été frustré de mon rendez-vous, je trouvai Manuelita seule dans le patio. À la lueur d’une lampe posée près des pots de myrtes, elle achevait une broderie qu’on devait livrer le lendemain, et ses cheveux blonds frisottants entouraient d’une auréole dorée sa jolie tête penchée sur la bande d’étoffe. Depuis le dimanche où j’avais si durement accueilli les tendres confidences de la pauvre fine, c’était la première fois que nous nous rencontrions seuls. Ma mauvaise humeur s’en accrut encore, il me semblait qu’elle devait lire sur ma figure le dépit que me causait mon rendez-vous manqué, et je sentais un redoublement d’irritation à l’idée de surprendre un éclair moqueur dans ses regards.

— Bonne nuit ! don Ramon, me dit-elle en levant vers moi ses grands yeux bleus, où je ne vis qu’une lueur attristée.

— Bonne nuit ! répliquai-je d’un ton maussade en approchant mon bougeoir de la mèche de la lampe.

— Pourquoi me répondez-vous d’un air fâché ?