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par la chambre, d’un bond elle se jeta dans mes bras et appliqua ses lèvres sur les miennes.

— Eh bien ! prends-moi, je suis à toi !

Oh ! cette nuit dans la petite chambre de l’Alameda d’Hercule, ces caresses de femme qui m’enlaçaient pour la première fois, cette veillée d’amour dans le grand silence de la ville endormie !… La lampe était éteinte ; du recoin sombre où nous étions, je voyais, par la fenêtre ouverte, la terrasse blanchissante, le ciel plein d’étoiles ; tout à travers nos baisers jamais las, j’entendais au loin, à l’extrémité de la place, une belle voix d’homme qui montait dans la paix de la nuit d’avril, et je distinguais des lambeaux de couplets qui m’arrivaient doux comme des bouffées de printemps :


La pena y la que no es pena ;
Todo es pena para mi.
Ayer penaba por ber te,
Solea, triste de mi !
Ayer pena por ber te
Y hoy pena porque te bî…[1]



  1. La peine et ce n’est pas la peine, — Tout est peine pour moi. — Hier, je peinais pour te voir ; — Solitude ; triste de moi ! — Hier je peinais pour te voir, — Et aujourd’hui je peine de t’avoir vue !