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vrait une porte communiquant avec la pièce voisine où s’habillaient les danseuses, séparées seulement des spectateurs par un rideau de tapisserie. Au long des murailles, blanchies à la chaux, des bancs de bois étaient occupés par un public bruyant, composé de soldats de la garnison, d’étudiants, de cigarières et de familles de petits commerçants du quartier. Un maigre lustre et des quinquets fumeux éclairaient la salle, où planait la buée bleuâtre des cigarettes. Je me blottis timidement dans le recoin le plus sombre, sous la tribune, et non loin de l’habilloir des danseuses. La représentation n’était pas encore commencée ; seuls, deux guitaristes, assis sur les banquettes du milieu, réservées aux artistes, pinçaient distraitement les cordes de leurs instruments. De temps en temps, le rideau se soulevait, laissant passer un bras nu, un bout de jupe ou la tête ornée de fleurs d’une bailadoras. Travaillé par une curiosité de novice, je ne quittais pas des yeux la tapisserie derrière laquelle j’entendais les chuchotements et les éclats de rire étouffés de ces créatures. Enfin, à un signal des guitares, le rideau fut tiré, et elles accoururent ensemble, d’une volée, prendre les places