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dont les paroles passionnées arrivaient jusqu’à ma chambre de travail ; la vue de Manuelita montant ou descendant l’escalier de la maison avec la grâce souple et la pétulance de ses dix-huit ans, toutes ces choses amollissaient peu à peu ma volonté, dissipaient mon esprit, ralentissaient les élans de ma foi religieuse, et, sans que je m’en aperçusse, me prédisposaient à succomber à la tentation, dès que le Malin voudrait se donner la peine de me tenter.

Un dimanche de carême, je revenais de la cathédrale après les vêpres. Le printemps avait été précoce, il faisait beau temps et la chaleur était déjà très forte. Fatigué par une longue station à l’église et par la vivacité du soleil de mars, je me hâtais de regagner ma chambré, où je comptais achever la journée en lisant saint Augustin. Arrivé à la maison de la señora Gutierrez, je pousse la grille et j’entre dans le patio frais et silencieux. Une toile tendue au-dessus de la galerie intérieure du premier étage y tamisait doucement la lumière, — blonde et dorée au centre, où se trouvaient des plantes vertes et de petits orangers ; puis voilée et presque bleue sous les colonnes de la galerie. — Le calme délicieux