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procession se détachait nettement aux rayons obliques du soleil, et se rapprochait sensiblement des murs de l’ancienne abbaye. Quand ils furent à portée de la voix, sur un signal du gardien-chef, ils entonnèrent une chanson où il était question des joies du travail et des beautés de la nature. Sanglés dans leur veste d’uniforme, la casquette coiffant jusqu’aux oreilles leur tête rasée, ils soulevaient en cadence leurs pieds poudreux et défilaient militairement devant le directeur et son compagnon. Tous tenaient respectueusement les yeux baissés et braillaient presque automatiquement leur vertueuse complainte :


Le soleil luit, l’herbe est fleurie.
Partons, mes amis, ô gué !
Vite au travail dans la prairie !
Celui qui travaille et qui prie
À le corps sain et le cœur gai.


Au premier aspect, toutes ces figures enfantines semblaient moulées d’après un type unique : mêmes regards humblement sournois de chiens battus, même bouffissure jaune, mêmes gestes mécaniques, même jovialité de commande.

— N’est-ce pas qu’ils sont gentils ? s’exclamait le directeur en frappant le sol du bout de son