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si, au lieu de me perdre dans mes nuages mystiques, j’étais descendu en moi-même, j’aurais reconnu dans les secrets replis de mon cœur ce limon de perversité qui repose au fond de toute âme humaine et qui est comme le résidu de la souillure originelle. Bien qu’il ne germât en moi aucun désir coupable, je n’en éprouvais pas moins une blâmable et secrète douceur à me sentir enveloppé de cette enfantine tendresse ; je me laissais gâter et choyer sans remords, et, trop confiant dans mon impeccabilité, je respirais étourdiment cette odeur d’amour qui s’exhalait des moindres gestes, des moindres paroles de la señorita, avec une suavité pareille à celle des roses dont elle ornait ma table de travail.

Cette égoïste et cruelle indolence d’une âme qui se complaît dans le voisinage du péché, tout en se flattant de ne point s’en laisser souiller, renfermait en elle-même son propre châtiment. On ne vit pas impunément dans une semblable atmosphère sans en ressentir les effets, même à son insu. Ces gâteries féminines, ces parfums de fleurs cueillies pour moi ; la musicale douceur de cette voix de jeune fille chantant dans un coin de la boutique des chansons andalouses,