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sieurs familles riches l’accueillaient amicalement, et il avait toujours chez elles son couvert mis ; de plus, les nombreuses messes qu’on le chargeait de dire pour les âmes défuntes du voisinage suffisaient à le défrayer, car il était sobre et modeste dans ses goûts. Nous continuions ensemble notre étude de la langue espagnole ; j’étais devenu assez fort pour soutenir une conversation et comprendre parfaitement les propos qui s’échangeaient autour de moi, quand ses collègues et compatriotes venaient jouer au tresillo dans sa chambre.

Un jeudi du mois d’août, j’étais chez mon ami l’Espagnol. Je me rappelle qu’il faisait très chaud ; par la fenêtre entr’ouverte j’entendais les voix bourdonnantes des ouvrières de l’atelier, pénétrant dans la pièce avec l’odeur savoureuse des confitures de mirabelles que les patronnes étaient en train de confectionner. Étendu dans son fauteuil, les mains jointes sur ses genoux et les pouces superposés, don Palomino faisait la sieste, et moi, assis dans l’embrasure de la fenêtre, je lisais el Ingenioso Hidalgo don Quijote. J’en étais à l’histoire de « la fameuse infante de Micomicon, » lorsque la porte s’ouvrit, et je vis