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— Avant de mourir, me contait tranquillement Palacios, le malheureux demanda à me parler, et, me rappelant notre ancienne amitié, me supplia de le sauver. « Impossible, lui répondis-je ; dans cette guerre, il n’y a plus de parents ni d’amis. Les ordres de Zumalacarregui sont formels ; serais-tu mon père, tu y passerais. » Et je l’envoyai tuer : y le mandé matar, acheva-t-il en roulant sa cigarette.

Je sentais une chair de poule me courir le long de l’échine, et j’étais devenu très pâle. Don Palomino remarqua mon trouble, et, allumant sa cigarette, il ajouta en manière d’excuse :

— Quand les chefs ordonnent, il n’y a plus qu’à obéir.

Pour faire diversion à ces terribles histoires, il me vantait sa province : le beau ciel d’Andalousie « tout vêtu d’azur, » les jardins plantés de citronniers et d’orangers et les tièdes nuits embaumées de l’odeur de ces arbres, où les fruits mûrissent à côté des fleurs. Alors, grisé par le ressouvenir, il décrochait sa guitare, et, d’une voix gutturale, il me chantait des soleares et des seguiryas. Ses yeux bruns étincelants devenaient