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dez-vous se traînaient péniblement. J’aurais voulu les supprimer, les voir tomber l’une sur l’autre en un moment comme des capucins de cartes, et toucher sans transition à la matinée de jeudi.

Ce matin tant désiré arriva enfin. Dans l’intervalle, le temps s’était radouci, et un lent dégel avait ramolli la terre. Il faisait un temps gris, doucement voilé, et l’air moite avait des tiédeurs de printemps. Après la hâte avec laquelle j’avais appelé l’apparition de ce jeudi, j’aurais dû me sentir le cœur plein d’allégresse. Il n’en fut rien. J’étais agité au contraire d’un renouveau d’inquiétude. D’abord je ne savais trop comment je pourrais échapper à la double surveillance de mon père et de Céline ; la crainte d’être retenu au logis me causait des picotements aux tempes et dans la poitrine. Puis je me demandais avec une pénible incertitude si, là-bas, à Salvanches, les choses avaient marché au gré de mon imagination ; si Frida était venue au rond-point des platanes,