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chercher un refuge près de Tsao, en attendant l’occasion de former de nouveaux desseins ? »

Décidé par ces paroles, Hiuen-Té s’acheminait vers la capitale ; mais il n’avait rien à manger et, sur la route, il entrait dans les villages pour y demander un peu de riz : les habitants qui entendaient prononcer son nom, s’agenouillaient en lui présentant à boire et à manger. Un soir, à la nuit, il frappa à une porte et réclama un abri jusqu’au lendemain ; un vieillard s’étant avancé avec respect, Hiuen-Té sut qu’il vivait du produit de sa chasse et se nommait Liéou-Ngan ; il était donc de la même famille que lui[1] ! Ce jour-là le vieillard avait parcouru et battu la plaine sans rien rapporter ; il tua sa propre femme pour soulager la faim de Hiuen-Té[2] ! « Quelle est cette chair, demanda Hiuen-Té ? — C’est du loup.... », lui répondit le vieux chasseur ; et ils soupèrent. Le lendemain, à l’aurore, Hiuen-Té prêt a partir, étant allé derrière la maison prendre son cheval dans l’écurie, s’aperçut qu’on avait tué en ce lieu un être humain, dont le corps portait des traces de coupures nombreuses. Les questions qu’il adressa à son hôte lui firent connaître la vérité, et les larmes aux yeux, il le supplia de le suivre. « J’ai ma vieille mère à soigner, il ne faut pas que je m’éloigne d’elle », répondit le chasseur ; Hiuen-Té le salua affectueusement et continua sa route.

Arrivé près de Liang-Tching, il voit une grande poussière qui obscurcit le soleil, une armée nombreuse qui couvre la plaine et les montagnes, et distingue bientôt les bannières de Tsao-Tsao ; courant à sa rencontre, il se jette à bas de son cheval et se prosterne devant lui. Le premier ministre mit aussi pied à terre pour le recevoir, et voulant récompenser le chasseur du dévouement

  1. On sait que le nom de famille de Hiuen-Té est Liéou-Pcy ; Liéou était le nom patronymique de la dynastie impériale des Han.
  2. Cet atroce épisode n’offusque pas les Chinois ; Hiuen-Té est parent de l’Empereur ; ce titre suffit pour qu’on se dévoue jusqu’à la mort, soi et les siens. L’édition in-18 fait là-dessus une foule de réflexions et rapproche le dévouement de cet homme, parent de son hôte, du crime commis par Tsao au temps de sa fuite, dans des circonstances à peu près analogues. (Voir vol. Ier, page 78). Hiuen-Té et Sun-Kien mangèrent seuls.