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arriver Kao-Chun, général de Liu-Pou, se hâta de rassembler son conseil ; Sun-Kien fut d’avis qu’on envoyât au plus vite un courrier au premier ministre, et que l’on mit les murs de la ville en état de résister jusqu’à ce qu’on eût une réponse. « Qui veut aller à la capitale porter le message, demanda Hiuen-Té ? — Moi », répondit un officier en s’avançant au milieu de l’assemblée ! C’était un homme d’un extérieur imposant, habile à parler, du nom de Kien-Yong[1] ; depuis le jour où il avait embrassé sa cause, Hiuen-Té lui témoignait de grands égards. Il le chargea donc aussitôt de la difficile mission ; quand la ville fut garnie de troupes capables de la défendre, et à l’abri d’un coup de main, Sun-Kien garda la porte du nord. Celles de l’ouest et de l’est furent confiées à Yun-Tchang et à Tchang-Fey, frères d’armes de Hiuen-Té, qui lui-même veillait à celle du sud. Le conseiller My-Tcho[2], et My-Fong, son frère cadet, avaient ordre de se tenir près du palais avec leurs troupes, pour protéger la famille de Hiuen-Té.

Déjà Kao-Chun entourait la ville ; du haut des remparts Hiuen-Té lui cria : « Je n’avais avec Liu-Pou, votre maître, aucun sujet de querelle ; pourquoi donc amenez-vous ici vos soldats ? — Ah ! reprit Kao-Chun, vous nouez des intrigues avez Tsao pour ruiner notre maître, mais le ciel vous a trahi ! Osez-vous bien mentir encore ? Sortez des murs ; livrez-vous pieds et poings liés ! » Hiuen-Té ne répondit rien.

Tout un jour, Kao-Chun provoqua les assiégés par ses injures ; mais personne ne venait livrer bataille. Devant la porte de l’ouest se trouvait Tchang-Liéao ; Yun-Tchang qui la gardait, lui dit : « Vous avez les traits, l’aspect d’un homme distingué ; comment se fait-il que vous vous avilissiez au service d’un bandit ? » Liéao baissa la tête sans répondre, et Yun comprit aussitôt qu’il y avait dans cet officier des sentiments de fidélité et de loyauté. Pendant le reste du jour, il se tint sous les armes en face de la

  1. Son surnom honorifique Hien-Ho ; il était du même pays que Hiuen-Té.
  2. Il était beau-frère de Hiuen-Té, qui avait épousé sa sœur cadette. Voir l’histoire de My-Tcho, vol. Ier, page 179. La phrase qui précède a été retournée pour plus de clarté et de précision.