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ignore l’art de tirer tout le parti possible de la force militaire. Vous, seigneur, aidé de peu de moyens, vous avez conquis la multitude en employant vos soldats avec un talent surnaturel. L’armée a mis sa confiance en vous ; les ennemis vous redoutent. Vous l’emportez dans les connaissances de l’art militaire.

» Tels sont, seigneur, les dix points capitaux par lesquels vous lui êtes supérieur. Que peut espérer votre rival ? — Ainsi donc, reprit Tsao en souriant, selon vous qui m’accordez tant de talents extraordinaires, je puis venir à bout de Youen-Chao ; mais comment ? — Ce Liu-Pou, établi dans le Su-Tchéou, est pour nous un cruel sujet d’inquiétude. Dès que Youen-Chao sera en marche contre Kong-Sun-Tsan, profitons d’une occasion aussi favorable, commençons par nous débarrasser de lui, pacifions les provinces de l’est et du sud. Après cela, nous songerons à prendre nos mesures contre Youen-Chao ; il en sera temps encore. Si nous nous mettions maintenant en campagne dans le but de l’attaquer, Liu-Pou ne manquerait pas de se porter sur la capitale ; ce qui serait un très grand malheur. »

Tsao approuva ce conseil ; cette même nuit il appela dans ses appartements retirés son conseiller intime Sun-Yo, et lui dit : « Savez-vous ce que médite Youen-Chao ? — Je sais seulement qu’il a envoyé aujourd’hui un émissaire, mais dans quel but, je l’ignore. » — Et Tsao lui ayant montré la lettre, Sun-Yo reprit : « Les expressions de Youen-Chao ne sont pas très modestes ! — Eh bien, dit Tsao (pour sonder à son tour le conseiller Sun-Yo), je voudrais marcher contre lui ; mais suis-je assez fort pour cela, je n’en sais rien ! — Parmi les hommes de l’antiquité, répondit Sun-Yo, voyez ceux qui ont réussi et ceux qui ont échoué ; avec du talent, le faible a fini par devenir fort ; sans talent, le fort est devenu faible. Kao-Tsou de Han n’avait pas une grande puissance et pourtant il triompha ; Pa-Wang de Tsou, bien plus redoutable (au début de la lutte), fut vaincu cependant. Aujourd’hui, seigneur, si vous avez un rival dans l’Empire, c’est Youen-Chao et nul autre ; (là-dessus il énuméra tous les défauts de ce personnage ambitieux représentés chez Tsao-Tsao par les qualités