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d’ailleurs c’est un des préceptes de Sun-Tsé[1] ; d’après cela je n’ai pas douté que je ne fusse victorieux. » Le conseiller s’inclina respectueusement et se retira.

Là-dessus entra Kouo-Kia : « Quelle affaire pressante vous amène, lui demanda Tsao ? — Youen-Chao a envoyé vers votre excellence un émissaire, pour lui annoncer qu’étant prêt à marcher contre Kong-Sun-Tsan[2], il désire emprunter des vivres et des soldats. — Ah ! répliqua Tsao en riant, on m’avait dit qu’il méditait un coup de main sur la capitale ; aujourd’hui qu’il m’y sait arrivé, le voilà qui veut soumettre un rebelle et nous demande à cet effet des renforts, des secours ! » Il lut la lettre de Youen-Chao ; la trouvant hautaine et presque insolente, il fit conduire l’émissaire à l’hôtel des Postes et interrogea le conseiller Kouo-Kia : « Ce Youen-Chao n’est qu’un insolent qu’il faudrait mettre à la raison ; je voudrais le châtier, mais je crains de n’en avoir pas la force ! — Le fondateur de la dynastie des Han, Kao-Tsou était moins fort que Pa-Wang qui s’était déclaré Empereur de Tsou[3] ; votre excellence connaît ce fait. Pa-Wang grandit en puissance et Kao-Tsou le dompta ; ce fut par la prudence qu’il sut triompher de son compétiteur. Or, en y réfléchissant bien, je m’assure qu’il y a dix infériorités dans Youen-Chao et dix supériorités en votre excellence[4]. Car si son armée est forte, il lui manque le talent.

  1. Auteur des Treize-Articles sur l’art militaire, traduits au tome VII des Mémoires sur les Chinois. A l’Art. VIII, intitulé des neuf changements (page 100), on reconnaît le passage auquel Tsao fait allusion dans ces lignes : « Si vous êtes dans un lieu de mort, cherchez l’occasion de combattre ; j’appelle lieu de mort ces sortes d’endroits ou l’on a aucune ressource, etc., etc... Si vous vous trouvez dans de belles circonstances, hâtez-vous de livrer combat ; je vous réponds que vos troupes n’oublieront rien pour se bien battre. »
  2. Voir vol. Ier, livre III, chapitre Ier.
  3. Voir, sur la lutte de ces deux compétiteurs, l’Histoire générale de la Chine, tome III, page 423 ; les portraits des Chinois célèbres, tome III des Mémoires sur les Chinois, pages 51 et 53 ; et la Chine de M. Pauthier, p. 233.
  4. Les Chinois affectionnent cette manière dogmatique et un peu pédante de raisonner, ce qui tient à l’habitude qu’ils ont de subdiviser les idées philosophiques et toute sorte de doctrine, d’une façon un peu imaginaire ; ainsi,