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appris ce qui suit : Tien-Fong a dit à Youen-Chao[1] : Général, vous avez des vivres en assez grande abondance, de fortes armées ; profitez de l’instant où Tsao-Tsao est allé soumettre les rebelles du sud pour enlever la capitale ; vous contraindrez le jeune prince à vous céder la direction de toutes les affaires de l’Empire ; voilà un plan merveilleux ! Si vous perdez cette occasion de détruire l’influence de Tsao, il vous détruira lui-même un jour ; vous vous repentirez, mais trop tard ! Youen-Chao hésite encore à suivre les avis de son conseiller. Je pense que les deux ennemis qui vous occupent maintenant ne peuvent pas être bien dangereux[2], et j’espère que votre excellence rentrera au plus vite dans la capitale pour sauver l’état en péril. »

Troublé par cette nouvelle, Tsao s’empressa de faire rentrer ses troupes ; Piao et Siéou avaient rassemblé leurs armées à Ngan-Tsong ; quand ils surent par leurs éclaireurs que le premier ministre venait de battre en retraite, ils se disposèrent à le poursuivre. Hia-Hu leur dit : « N’en faites rien, car vous seriez certainement repoussés avec perte ! — L’occasion est trop belle pour n’en pas profiter, » répondit Piao, et les deux chefs se lancèrent avec dix mille hommes sur les pas de Tsao qu’ils atteignirent à environ une lieue de là. Ils furent battus complètement ; au milieu du chemin Siéou rencontra le prudent conseiller suivi d’une dizaine de cavaliers, et lui dit : « Pour avoir méconnu vos avis, nous voilà en déroute) — Eh bien, reprit ce dernier, remettez vos troupes en bon ordre et recommencez la poursuite. — Quoi, après avoir reçu cette leçon, nous irions… — Oui ; les soldats ennemis n’ont plus maintenant la même ardeur ; attaquez vite et la victoire est à vous ; j’en réponds sur ma tête ! »

Siéou suivit ce conseil que rejetait Liéou-Piao, et les prédictions de Hia-Hu se réalisèrent ; les troupes de Tsao, battues à leur tour, jetaient en fuyant leurs cuirasses, leurs habits militaires, leurs lances et leurs sabres. Emporté sur leurs traces, Siéou se vit

  1. Voir vol. Ier, page 118.
  2. Littéralement : sont comme des démangeaisons vives, mais peu à craindre, qui ne suffisent pas à inquiéter beaucoup.