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digne encore d’en dicter aux autres ? Non !… » Et il allait se couper la gorge avec son sabre. Ses officiers l’arrêtèrent, et le conseiller Kouo-Hia lui cita un texte du Tchun-Tsiéou[1] ainsi conçu : « La peine de mort et la torture ne sont jamais infligées aux gens de distinction. » Son excellence, qui commandait à toutes les années de l’Empire, ne pouvait donc elle-même se punir d’un pareil supplice ! « Puisque ce livre vénérable m’autorise a ne pas me donner la mort, répondit Tsao, cependant il faut que je conserve un souvenir de ma faute ! » Coupant ses cheveux avec son sabre, il les jeta à terre et s’écria : « Cette chevelure, prenez que c’est ma tête[2] qui tombe ! » Émus et effrayés par cet exemple, les soldats et les officiers ne firent pas tort d’un grain de blé aux gens dont les habitations se trouvaient sur leur route.

Cependant Tchang-Siéou, averti de l’approche des armées impériales, appela à son secours Liéou-Piao ; puis, vaincu une première fois, il alla se jeter dans la ville de Nan-Yang que Tsao assiégea[3]. Du haut des remparts, les machines de guerre et les arbalètes, lançaient en abondance des pierres et des flèches ; un fossé large et profond entourait la place, et tous ces moyens de défense en rendaient les approches fort difficiles. Les soldats eurent

  1. De Confucius. — Il faut sous-entendre ici : excepté dans le cas de lèse-majesté ou de rébellion. Le texte chinois dit seulement fa, la loi criminelle ; l’interprète tartare ajoute le mot eroun, qui correspond au chinois hing, supplice de toute sorte, torture, etc.
  2. Littéralement : couper mes cheveux, c’est comme si je coupais ma tête. À ce propos, l’édition in-18 dit en note : « Plus haut il a fait tomber la tête de l’intendant des vivres pour sauver la sienne ; maintenant il coupe ses cheveux au lieu de sa tête ; il a toujours quelque chose à mettre à la place de ce qu’il veut garder !… C’est ce qui fait dire à un poète :

    Cent mille soldats féroces et affamés, ce sont autant de volontés différentes ;
    Un seul homme qui commande à cette multitude a bien de la peine à la maintenir !
    En coupant ses cheveux avec son sabre au lieu de sa tête,
    Tsao-Tsao a fait voir qu’il était passé maître dans l’art d’éblouir et de tromper la multitude.

      Ce même texte paraît croire dans une autre note, que Tsao met lui-même les paroles du Tchun-Tsiéou dans la bouche de son conseiller, pour éviter cette peine de mort qu’il faisait semblant de s’infliger de sa main.

  3. On a supprimé le détail du combat ; pour la centième fois, c’était une armée en bataille, une provocation, une lutte entre deux chefs, etc.