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peuple, il allait marcher contre lui ; Sa Majesté en personne, montée sur le char impérial, reconduisit le premier ministre hors du palais.

On était alors au quatrième mois de la troisième année de la période Kien-Ngan.

[Année 198 de J.-C.] Laissant dans la capitale son conseiller intime Sun-Yo, Tsao-Tsao se mit en campagne ; sur sa route, il vit que les moissons étaient jaunes ; mais le peuple qui voulait sauver ses vivres, se cachait et disparaissait dans les montagnes à l’approche des troupes. À peine Tsao eut-il dressé son camp, qu’il appela autour de lui tous ses généraux, fit venir tous les chefs de villages[1], tous les mandarins chargés d’administrer les petites villes, et leur dit : « Un ordre de Sa Majesté m’enjoint de châtier les rebelles qui oppriment la population ; voici le temps de la récolte, mais je dois obéir et marcher. Si l’un de mes officiers, quel que soit son grade, foule les moissons en traversant les champs, dérobe quoi que ce soit dans les maisons, il sera puni de mort. Les lois impériales n’ont égard ni aux rangs ni aux personnes ; on devra les respecter. Ainsi, que les habitants bannissent toute crainte et qu’ils ne prennent plus la fuite ; que chacun revienne à ses travaux habituels. » Dès ce moment, partout où passait le premier ministre, la population accourait se jeter à genoux devant lui, en l’appelant le saint, le vertueux ! Tout soldat qui traversait une terre ensemencée, mettait pied à terre et écartait les épis avec ses mains.

Un jour, Tsao passant dans un champ, une tourterelle partit tout à coup devant son cheval ; l’animal qui était ombrageux se jeta à l’écart et foula la moisson. Aussitôt il ordonna de camper, et, appelant le premier secrétaire chargé d’enregistrer ses proclamations, il lui dit : « N’ai-je pas établi une peine contre ceux qui gâtent les récoltes ? — Les paroles de votre excellence sont des ordres, reprit le mandarin, qui donc oserait ne pas s’y conformer ? — Moi, j’ai méconnu les lois que j’ai faites ; serais-je

  1. Ces chefs de villages sont des vieillards qui jouissent d’une certaine autorité parmi leurs concitoyens.