Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

annoncer l’approche de cette formidable armée ; chacune des sept divisions allait investir une ville de Su-Tchéou[1] ; elles arrivaient à marches forcées, semant la désolation sur leur passage. Consterné à cette nouvelle, Liu-Pou fit appeler Tchin-Kouey et son fils Tchin-Teng, pour les consulter dans cette occurrence. « Seigneur, dit un autre mandarin du nom de Tçin-Kong[2], ce sont les deux conseillers ici présents qui ont attiré ce malheur sur votre province ; par des flatteries, par d’adroits mensonges, ils ont obtenu de la cour des dignités et des titres et provoqué cette alliance avec le premier ministre, qui suscite contre vous la colère de Youen-Chu. Tranchez les têtes de ces deux misérables, envoyez-les à sa majesté Youen ; elle sera satisfaite et retirera ses troupes ! »

Dans sa rage, Liu-Pou allait faire décapiter les deux mandarins ; Tchin-Teng lui dit en riant aux éclats : « Peut-on être poltron à ce point ! Ces sept divisions si redoutables, sont pour moi comme autant de tas d’herbe pourrie ! En vérité, il y a bien là de quoi s’inquiéter !… — Et quel moyen avez-vous de les repousser, demanda Liu-Pou ? Il faut que vous en trouviez un, ou votre tête tombera avec celle de votre père ! »

Kouey répondit : « Quels sont les chefs de cette armée, et combien sont-ils ? » Liu-Pou les lui nomma l’un après l’autre. — « Et combien chaque général a-t-il d’hommes sous ses ordres ? — Cinquante ou soixante mille au plus. — Bien que tout à fait inégaux en nombre, attaquons vite sur tous les points avec nos soldats bien reposés, ces troupes harassées d’une longue marche, et la victoire sera facile ! »

« Vous avez mérité plus que la mort, reprit Liu-Pou ; et maintenant vous voulez ramener l’espérance dans mon cœur,

  1. Ky-Ling avait attaqué le Su-Tchéou, comme on l’a vu dans les précédents chapitres ; il était donc en campagne. Déjà les divisions sont désignées par le nom de leur chef : Tchang-Hiun marchait sur le chef-lieu, Su-Tchéou ; Kiao-Jouy sur Siao-Pey ; Tchin-Ky sur Y-Tou ; Louy-Pou sur Lang-Yé ; Tchin-Lan sur Kié-Chy ; Han-Sien sur Hia-Py ; Yang-Fong sur Sun-Chan.
  2. Le vrai nom est Tchin-Kong ; nous l’avons altéré ici pour le différencier des deux autres.