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s’écria Liu-Pou furieux, en tirant son glaive, voilà tout ce que vous rapportez de la capitale, des récompenses pour vous ! Votre père et vous m’avez fait rompre l’alliance que j’allais conclure avec Youen-Chu, sans me procurer aucun avantage en compensation. Vous m’avez trahi, sacrifié tous les deux pour acquérir des places et des revenus ! » Et il voulait décapiter Tchin-Teng ; mais celui-ci reprit en riant : « Général, à quel propos fermez-vous ainsi les yeux à la lumière ? — En quoi suis-je donc si peu clairvoyant ? — Écoutez ; comme je causais avec Tsao dans une entrevue, la conversation tomba sur vous, général ; je vous comparais à un tigre apprivoisé, auquel il faut donner de la chair à manger, pour l’empêcher de dévorer la main qui le nourrit. — Non, reprit gaiement Tsao, votre comparaison n’est pas juste ; je tiens à bien traiter le prince de Ouan[1], comme on ferait d’un faucon dressé pour la chasse. Tant que le gibier, lièvres et renards[2], n’est pas entre les mains du chasseur, il ne doit pas donner à manger à ce noble oiseau de proie ; car quand il a faim, il chasse ; quand il est repu, il vole haut et s’enfuit. — Ces renards, ces lièvres auxquels vous faites allusion, lui demandai-je, quels sont-ils ? — Les chefs qui se sont déclarés indépendants : à l’est du Kiang, Sun-Tsé, dans le Ky-Tchéou, Youen-Chao ; dans le Hing-Siang, LiéouPiao ; dans le Y-Tchéou, Liéou-Tchang ; dans le Han-Tchong,

  1. Titre honorifique de Liu-Pou.
  2. Le renard est un assez gros gibier pour un faucon ; peut-être s’agit-il d’un oiseau plus grand, tel que le gerfaut. Les Tartares aiment beaucoup cette chasse à vol ; ici l’interprète mandchou rend le mot chinois Yang, s’envoler comme emporté au gré du vent, par Kalimbi, s’élever bien haut ; ce qui se dit des oiseaux qui se sauvent et prennent leur vol bien haut pour éviter d’être pris. La langue tartare est plus riche en termes de grande et de petite chasse, qu’en expressions abstraites et philosophiques. Remarquons aussi que cette phrase de notre texte est citée tout au long dans le dictionnaire de Kang-Hy, au mot Yang (Basile, 12, 391), pour en bien expliquer le sens. Le passage est emprunté au livre intitulé Oey-Tchy-Liu-Pou-Tchouen. — Dans l’expression chinoise oue-sy, le mot sy (Basile 2, 846) doit peut-être se lire avec la clef du feu (Basile 5, 500 ; Morrrison, seih) pour mieux exprimer le sens du mandchou ouatchira.