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et des inquiétudes. Je suis à Su-Tchéou, attendant vos ordres[1], n’osant prendre sur moi la responsabilité d’aucune démarche ; la grande faveur dont Sa Majesté vient de m’honorer, me rend à la fois joyeux et confus. Si le seigneur Tsao-Tsao a besoin de mes services pour dompter quelque rebelle, il peut compter que j’y emploierai tous mes efforts, dussé-je affronter la mort dix mille fois. — Requête respectueuse. »

Tsao-Tsao fut enchanté de voir en quels termes respectueux ce bouillant soldat avait répondu à sa lettre ; il se hâta de faire décapiter publiquement Han-Yn[2], et Tchin-Teng lui dit secrètement : « Seigneur, Liu-Pou est un loup, une bête féroce ! Il a de la bravoure, mais ni réflexion ni prudence ; il ne tient aucun compte des leçons du passé, et ne sait pas prévoir l’avenir ; que ne vous débarrassez-vous de lui ? — Je le connais bien, répondit le premier ministre ; je sais qu’il est sauvage et féroce comme un loup, qu’on ne peut pas le tenir longtemps apprivoisé. Sans votre père et sans vous, je n’aurais aucun moyen de l’influencer dans sa conduite Voulez-vous seconder mes projets ? — Oui », répondit le mandarin. Aussitôt Tsao le nomma gouverneur de Kwang-Ling, et assigna à son père un revenu de deux mille boisseaux de grains ; puis le voyant prêt à prendre congé avec les politesses d’usage, il lui serra la main en ajoutant : « Je vous charge de diriger et de surveiller toutes les provinces de l’est ! — Seigneur, répliqua Tchin-Teng, levez des troupes et j’agirai de concert avec vous. »

De retour à Su-Tchéou, le rusé mandarin se présenta devant Liu-Pou, et lui annonça les faveurs que le premier ministre lui avait accordées, ainsi qu’à son père : « Au lieu de demander à la cour que je sois confirmé dans la possession de cette province,

  1. Littéralement : j’attends le châtiment de ma faute.
  2. Cette barbare coutume de mettre à mort l’envoyé d’un prince ou d’un seigneur révolté avec lequel on n’est pas encore en hostilité, équivalait sans doute à une déclaration de guerre formelle.