Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/433

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

barre le chemin. Celui qui le commande se précipite hors des rangs, la pique a la main ; — on a reconnu Tchang-Fey[1] ! Le chef vaincu, menacé par ce héros, perd toute contenance ; la terrible pique l’atteint, le perce, le renverse mort à bas de son cheval. Ses soldats qui fuyaient éperdus, sont faits prisonniers jusqu’au dernier et conduits à Sin-Yé par les troupes de cette même division.

Un succès aussi complet causa une grande joie à Hiuen-Té. Il entoura de respects son nouveau conseiller Tchen-Fo, et n’oublia pas de récompenser les trois petites divisions qui avaient remporté la victoire.

Les fugitifs échappés au massacre vinrent annoncer à Tsao-Jin les détails de cette désastreuse journée. Celui-ci, tout épouvanté, consulta Ly-Tien (le seul lieutenant qui lui restait). « Voila que deux de nos généraux ont péri pour avoir témérairement attaqué l’ennemi…., s’écria Ly-Tien ; tenons-nous ici bien en fermes, et envoyons avertir son excellence de notre fâcheuse position, afin qu’elle vienne avec sa grande armée nous tirer de ce mauvais pas ; c’est ce que nous avons de mieux à faire. »

« Non, répliqua Tsao-Jin ; si j’ai perdu deux de mes lieutenants, si la moitié de leurs divisions est restée au pouvoir de l’ennemi, après tout, ce district de Sin-Yé n’est pas si difficile à réduire qu’il faille avertir son excellence de ce premier échec. Pour égorger une poule, est-il besoin d’un coutelas à tuer les bœufs ? Vous et moi, nous sommes assez forts pour venir à bout de Hiuen-Té ! »

« Ne le traitez pas si légèrement, dit Ly-Tien, c’est un héros de premier ordre ! »

« Bah ! répliqua Tsao-Jin, vous êtes un poltron ! »

« Les règles de l’art militaire établissent ceci : connaissez bien l’ennemi, connaissez-vous bien vous-même, et sur cent batailles

  1. Littéralement : celui qui commande est un grand général ; armé d’une pique, il s’élance à cheval hors des rangs. C’est Tchang-Y-Té, natif du pays de Yen.