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dressa son camp. Un de ses officiers l’avertit que les soldats châtiés par lui l’avaient accusé de s’être révolté ; puisque le premier ministre était là tout près, que n’allait-il se disculper, au lieu de commencer par établir son camp ? Cette dénonciation, faite par les pillards du Tsing-Tchéou, pouvait attirer sur lui la colère de Tsao ! « Pour l’instant, répliqua Yu-Kin, les brigands suivent nos traces ; tout à l’heure même ils seront sur notre dos. Si mon premier soin n’est pas de me mettre en état de les recevoir, comment résisterai-je à leurs attaques ? Me disculper est bien moins important que de repousser l’ennemi. »

A peine avait-il achevé de fortifier son camp, que le rebelle Tchang-Siéou l’assaillit des deux côtés à la fois ; il sortit en personne à la tête des siens pour lui résister, et le força à se retirer précipitamment. Quand ils virent leur chef s’exposer le premier, tous les officiers de Yu-Kin s’élancèrent au combat avec leurs divisions ; Tchang-Siéou, complètement battu, rejeté à dix milles en arrière, perdit toute son autorité ; ramassant les débris de son armée, il alla chercher un refuge auprès de Liéou-Piao. Au lieu de le poursuivre à son tour, Tsao se contenta de rallier ses troupes.

Alors Yu-Kin alla lui faire l’apologie de sa conduite, et expliquer à quel propos il avait châtié les soldats du Tsing-Tchéou, qui pillaient les habitants et les poussaient au désespoir. « Pourquoi campiez-vous avant de venir vous disculper », demanda Tsao ? Et comme Yu-Kin s’excusait par les faits mêmes, il ajouta : « Au passage difficile de la rivière Yu, j’ai failli périr. Vous, général, vous avez su au milieu du désordre rétablir la discipline parmi les soldats, châtier ceux qui commettaient des violences ; voila l’exemple d’une fermeté que rien ne peut ébranler. Combien de généraux célèbres dans l’antiquité ont à peine atteint cette perfection ! » Cela dit, il fit présent à Yu-Kin d’un vase d’or, et lui décerna le titre de prince de Chéou-Ting ; quant à Héou-Tun, il lui reprocha la faute qu’il avait commise en ne contenant pas ses troupes dans les bornes de l’obéissance.

Tsao-Tsao se disposant à retourner dans la capitale, dit devant