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pâtre qui, après leur avoir offert à boire et à manger, conduisit Hiuen-Té dans l’appartement destiné aux visiteurs : quant au cheval, on le mit à paître dans l’enclos, derrière la chaumière.

Les paroles du docteur bourdonnaient encore aux oreilles de Hiuen-Té ; aussi ne pouvait-il fermer l’œil, et la seconde veille venait de sonner, quand il entendit entrer un homme à qui son hôte demanda pourquoi Youen-Ky était revenu. Hiuen-Té se leva pour prêter l’oreille ; l’inconnu reprit : « Il y a longtemps que j’entends dire que Liéou-Piao aine les gens de bien et déteste les méchants ; et je suis allé vers lui tout exprès pour m’assurer du fait ; mais j’ai vu qu’on lui faisait une réputation qu’il ne mérite pas, aussi je reviens ! — Aimer les gens de bien et détester les méchants, répliqua le docteur, c’est être homme de bien ; pourquoi donc avez-vous abandonné un maître qui possède ces qualités ! — Il aime les gens de bien et ne sait pas se servir d’eux ; il déteste les méchants et ne sait pas les éloigner. Aussi me suis-je retiré en lui laissant un billet d’adieu. »

« Dans ces temps-ci, où la dynastie des Han périclite, répliqua le docteur d’un ton de reproche, les bons et les mauvais se rencontrent dans le même bourbier ! Le bouclier et la lance se lèvent, les calamités vont naître... Et vous, vous possédez un talent qui honorerait le ministre d’un Empereur ! Il faut que vous sachiez attendre l’heure et paraître à temps. Votre faute, ç’a été de prodiguer le jade comme une vile pierre, de le vendre aux hommes pour n’en retirer que de la honte. Quant à ce que vous dites d’aimer les gens de bien sans savoir se servir d’eux, vous avez parlé juste, car Kong-Fou-Tséa laissé cette parole : Si le beau jade est ici, serrez-le dans l’armoire et cachez-le bien, jusqu’à ce que vienne un bon acheteur qui vous en donne le prix ! — Voila ce qu’a dit le sage par excellence. Le héros, l’homme doué d’un génie supérieur était devant vos yeux, pourquoi donc alliez-vous chercher Liéou-Piao ? »

L’inconnu convint que le docteur avait raison. De son côté, Hiuen-Té rempli de joie par ce qu’il venait d’entendre, réfléchit en lui-même que ce personnage ne pouvait être autre que l’un de ceux dont son hôte lui avait parlé la veille. Il attendit le jour