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un homme élancé comme le pin, aux membres grêles comme la cigogne, et qui ne ressemblait en rien aux autres mortels. Bien qu’il fût âgé d’un demi-siècle, il avait la physionomie d’un adolescent. Hiuen-T’é, dont les vêtements étaient encore tout humides, se tint debout devant lui et le salua avec la plus grande politesse.

« Ah ! lui dit le docteur, votre seigneurie a échappé aujourd’hui à un grand péril ! » Et comme ces paroles causaient au héros un étonnement extraordinaire, le jeune pâtre s’écria : « Maître, c’est la Liéou-Hiuen-Té ! »

Ce grand non produisit un effet magique sur le solitaire, qui, avec une politesse empressée, fit entrer le héros dans sa chaumière et le fit asseoir à la place d’honneur. Celui-ci remarqua des milliers de volumes rangés le long de la muraille ; par la fenêtre il aperçut des plantations de pins et de bamboux, et sur un banc de pierre, servant de couchette, était déposé le luth : dans cette petite demeure circulait un air frais et pur. « Comme je traversais ce pays, dit alors Hiuen-Té, en se levant par respect, ce petit pâtre s’est rencontré sur mon chemin, et j’ai eu le bonheur inexprimable de pouvoir m’incliner devant votre respectable visage. — Seigneur, reprit le sage, dites la vérité ; vous arrivez ici en fuyant un grand péril ! »

Hiuen-Té lui raconta tous les événements que nous venons de voir se dérouler : « Et moi, continua le docteur, rien qu’à vous regarder, j’ai deviné tout cela ; veuillez me dire quel est votre grade, quels sont vos titres ? »

« Général de la gauche, prince de Y-Tching-Ting, gouverneur de Yu-Tchéou. »

« Depuis longtemps votre réputation est arrivée jusqu’aux oreilles de l’humble solitaire ; et cependant vous allez d’un lieu à l’autre à la recherche d’une position qui vous manque !. Comment cela se fait-il ? »

« Mon heure n’est pas encore venue ; combien d’infortunes traversent la vie ? »

« Ce n’est pas cela ; mais votre seigneurie manque de gens capables qui secondent ses projets ! »