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table, parce que sa femme Tsay venait d’entrer dans la salle.

Cependant, Hiuen-Té, établi dans sa petite ville de Sin-Yé, s’entretenait chaque jour avec les sages des affaires de l’Empire. L’hiver de cette même année, ayant appris que Tsao-Tsao revenait de Liéou-Tching[1], il regrettait amèrement que Liéou-Piao n’eût point partagé ses projets, quand tout-à-coup arriva un exprès envoyé par celui-ci. Il rappelait au plus vite près de lui (à King-Tchéou) Hiuen-Té qui partit avec le courrier même, et fut reçu par son ancien hôte dans son propre palais : « Voici que Tsao-Tsao rentre dans la capitale avec une armée de six cents mille hommes, s’écria Liéou-Piao ; ses forces s’accroissent de jour en jour ; à n’en pas douter, c’est à nous qu’il en veut maintenant. Naguère j’ai rejeté vos sages conseils, et par suite, j’ai laissé échapper une occasion qui ne se représentera plus !… »

« Elle pourra revenir dans ces jours de guerre civile qui amènent sans cesse des circonstances nouvelles, reprit HiuenTé, tout n’est donc pas perdu ; seulement il faut se tenir prêt à profiter des chances qui s’offriront. « Liéou-Piao, admirant la justesse de cette réponse, échangea de nouveau quelques coupes de vin avec son hôte ; puis ses larmes commencèrent à couler avec une telle continuité, que Hiuen-Té s’empressa de l’interroger encore sur les causes de cette douleur impossible à contenir : « Ces jours passés, répondit-il, j’ai voulu m’ouvrir à vous, mais l’occasion m’a manqué et je me suis tû.. Cependant vous êtes pour moi un proche parent[2] ; c’est ce qui me décide à vous faire une confidence. — Si mon frère aîné éprouve quelque embarras, qu’il s’ouvre à moi… Voyons, parlez librement, et si vous avez besoin de Hiuen-Té, dût-il braver la mort, il est la, prêt à vous aider ! »

« De Tchin-Ssé, ma première femme, j’ai eu un fils nommé Liéou-Ky, excellent garçon à la vérité, mais doué de peu de moyens et incapable de porter le poids des affaires. Tsay-Ssé,

  1. C’est-à-dire de son expédition dans le nord.
  2. On a vu plus haut qu’ils se regardent comme frères par adoption. D’ailleurs il suffit en Chine de porter le même nom pour être parent.