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pied, à la satisfaction générale des habitants. On était alors au printemps de la 12° année Kien-Ngan (207 de J.-C.) Une des femmes de Hiuen-Té, Kan-Fou-Jin, accoucha d’un fils qui fut Liéou-Chen ; pendant la nuit, une cigogne[1] blanche vint se percher sur le toit du palais, puis après avoir jeté quarante fois son cri, prit son vol du côté de l’ouest. Les soldats qui étaient de garde virent tous dans cet événement un pronostic extraordinaire. De plus, au moment où l’enfant sortit du sein de sa mère, tout l’hôtel fut inondé d’un parfum céleste qui ne cessa de se faire sentir tant que dura la lune. Une nuit, Kan-Fou-Jin avait cru recevoir en elle l’étoile polaire, aussi appela-t-elle cet enfant Ouo-Téou[2].

Or, au temps où Tsao-Tsao s’engageait dans son expédition au nord de la Chine, Hiuen-Té, retiré a King-Tchéou[3], près de Liéou-Piao, avait conseillé à celui-ci de profiter de ce que le premier ministre, emmenant toutes les troupes de l’Empire dans cette guerre lointaine, laissait la capitale dégarnie : avec des soldats levés dans le King-Tchéou et dans le Hiang-Yang, il suffisait d’attaquer la résidence de la cour pour s’en rendre maître. Ainsi s’accomplirait le projet depuis si longtemps poursuivi. « Il me suffit de posséder ce petit état indépendant[4], répondit Liéou-Piao, pourquoi formerais-je de plus ambitieux desseins ! » Hiuen-Té n’avait rien dit ; mais bientôt, convié par son hôte à une collation dans les appartements intérieurs du palais, il s’aperçut que celui-ci, vers la fin du repas, poussait de profonds soupirs. « Frère aîné, lui demanda-t-il, quel chagrin vous oppresse ? — J’ai dans le cœur des choses difficiles à exprimer, » répondit Liéou-Piao ; et bien que Hiuen-Té insistât pour savoir ce qu’il avait dans l’âme, au lieu de répondre, il se retira de la

  1. L’oiseau que Tsao-Tsao regarda comme un pronostic si favorable, sortait de la terre ; cette cicogne venait du ciel ! » (Note de l’édition in-18.).
  2. De son petit nom ; ces deux mots signifient quelque chose comme une exclamation de louange adressée à l’étoile du nord.
  3. Cette province était une partie du Ssé-Tchouen actuel. Les événements rapportés ici sont antérieurs au départ de Hiuen-Té pour Sin-Yé.
  4. Littéralement : les neuf Tchéou.