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Liéou-Piao, frappé de cette observation, invita le lendemain Hiuen-Té à un repas : « Je vous suis bien reconnaissant, lui dit-il, du cheval que vous m’avez donné hier, mais je réfléchis que vous pourrez en avoir besoin dans vos campagnes ; et comme je n’ai aucune affaire qui m’appelle au dehors, je vous le renvoie avec mille remerciements : montez-le toujours ! » Hiuen-Té qui s’était assis se leva par politesse, et son hôte reprit : « Mon excellent frère cadet, il y a longtemps que vous êtes inactif dans cette ville, je crains que vous n’oubliez vos projets belliqueux. Il y a dans le district de Hiang-Yang, une ville appelée Sin-Yé, qui rapporte beaucoup de revenus en argent et en grains ; vous pourriez, mon jeune frère, vous y retirer avec vos propres troupes, et je vous laisserais pour votre usage tout ce qu’elle produit.. »

À cette offre, Hiuen-Té répondit par des remerciements ; sans plus tarder, il se mit en marche pour la destination qui lui était assignée, avec ses propres soldats : Liéou-Piao en personne lui fit la conduite.

Or, comme ils venaient de se quitter, un homme s’approchant de Hiuen-Té, lui fit un profond salut et lui dit : « Ne montez pas ce cheval ! » Le héros regarde ce personnage et reconnaît Y-Tsy[1], conseiller intime de son hôte. « Et pourquoi, demanda-t-il en se jetant précipitamment à terre, pourquoi ne pas monter ce coursier ? — Hier, reprit le mandarin, j’ai entendu Kouay-Youé dire à mon maître que cette bête porte au front un signe fatal, et qu’il doit causer la perte de celui qui le monte. Voila pourquoi il vous a été rendu. — Docteur, dit le héros, je vous suis infiniment obligé de cette marque d’intérêt, mais une fois que l’homme est sur la terre, sa vie et sa mort, son bonheur et son malheur, tout cela dépend du ciel. Comment donc mon sort dépendrait-il d’un cheval. »

Le conseiller Y-Tsy admira cette réponse, et depuis lors il se lia plus intimement avec Hiuen-Té. Celui-ci arriva bientôt à la ville de Sin-Yé, où il remit toutes les affaires sur un nouveau

  1. Sur surnom honorifique Ky-Pé, il était originaire de Chan-Yang.