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nord. » Ce projet, Youen-Chang avoua à son frère qu’il le formait lui-même depuis longtemps. Tous les deux, ils allèrent se présenter au commandant de la ville, qui les fit descendre à l’hôtel des Postes, et les entoura de gens chargés de les servir, nuit et jour, avec les plus grands égards. Quant à lui, il prétexta une indisposition pour ne pas les visiter personnellement. Alors arrivèrent les espions ; d’après leurs rapports, les troupes impériales restaient cantonnées à Y-Tchéou, sans manifester la moindre intention d’attaquer la province. À cette nouvelle, Kong-Sun-Kang cacha derrière la tenture de la muraille des sicaires armés de coutelas et de haches, puis il invita les deux jeunes princes à venir recevoir ses hommages.

Quand il eut fait asseoir les deux conviés, le commandant entraîna hors de la salle les gens qui les avaient accompagnés, sous prétexte qu’il s’agissait de traiter des affaires secrètes. Youen-Chang voyant que le froid du soir se faisait sentir, et qu’on n’étendait pas de coussins sur les lits, ne put s’empêcher de dire à son hôte : « Va-t-on apporter ce qu’il faut pour s’asseoir ? »

« Vos deux têtes vont partir pour une longue route, répondit le commandant avec colère ; il s’agit bien de coussins ! » Terrifié par ces paroles, Youen-Chang perdit contenance... « Frappez donc ! » cria le traître, et les sicaires sortant de leur retraite, décapitèrent dans la salle même les deux jeunes princes. Les têtes enfermées dans des coffres de bois furent aussitôt expédiées à Y-Tchéou.

Le premier ministre y restait dans l’inaction avec ses troupes. Hia-Héou-Tun et Tchang-Léao lui disaient : « Si nous ne marchons pas contre la ville, au moins retournons à la capitale, de peur que Liéou-Piao ne tente quelque entreprise. — J’attends les têtes des deux Youen, » répondait gravement le ministre, et les officiers riaient tout bas de ces paroles. Mais tout-à-coup la nouvelle se répand que des envoyés du gouverneur de Léao-Tong apportent en effet ces sanglantes dépouilles. Tous les mandarins sont frappés d’une surprise mêlée de trouble. « Je n’ai fait que suivre les instructions posthumes de Kouo-Kia, »