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Le premier ministre venait de rassembler son armée dans la ville de Liéou-Tching, et voulant confier cette place à Tien-Tchéou, il la lui donna à titre de principauté : « Je ne suis qu’un transfuge, répondit celui-ci ; n’ai-je pas tourné le dos à mon premier maître ? Après avoir reçu tant de bienfaits, je serai heureux de jouir de la vie que vous m’avez accordée ; mais ai-je donc vendu le passage de Lou-Long pour obtenir en récompense l’apanage que vous m’offrez ? Tout ce que je puis faire, c’est de mourir, si vous l’ordonnez, mais je refuse la principauté... » Et en achevant ces paroles, il fondit en larmes. Vainement Tsao-Tsao le fit-il presser par Hia-Héou-Tun d’accepter ses offres ; il persista dans son refus, et n’accepta que le titre de conseiller impérial.

Tsao-Tsao traita les Tartares vaincus avec beaucoup de douceur ; aussi lui envoyèrent-ils dix mille chevaux de bonne race. Alors il commença sa retraite ; le temps était très froid, et la terre si sèche que l’armée eut à faire plus de deux cents lys dans un pays dépourvu d’eau. Les soldats furent réduits à creuser des puits d’une profondeur de trente à quarante[1] pieds pour s’en procurer ; les vivres manquèrent aussi, et les troupes tuèrent pour se nourrir un millier de chevaux. Arrivé à Y-Tchéou, le premier ministre récompensa généreusement ceux d’entre ses généraux qui lui avaient donné d’abord le conseil de ne pas entreprendre cette campagne : « Dans le principe, leur dit-il, j’abordais une guerre pleine de périls en allant si loin châtier des rebelles. Par bonheur, j’ai réussi ; mais ce succès, je le dois à la protection du ciel ! La conduite que j’ai tenue en cette circonstance ne doit donc pas servir d’exemple. Ainsi, à vous tous qui me conseillez de rentrer dans la capitale et d’y rester en repos, je décerne des récompenses, afin qu’a l’avenir vous ne craigniez point de me donner vos avis ! »

Quand Tsao-Tsao arriva à Y-Tchéou, Kouo-Kia était mort ; depuis quelques jours son corps restait déposé dans le palais du gouverneur. Il lui rendit les derniers devoirs, et tombant à

  1. Littéralement : trente à quarante mesures de dix pieds chinois.