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Comme il désirait avoir quelqu’un qui connût le relevé exact du nombre des familles, les gens du pays lui désignèrent un ancien gouverneur de Ky-Tou, nommé Tsouy-Yen. Ce mandarin ayant plusieurs fois exhorté Youen-Chao à garnir ses frontières, ses paroles n’avaient point été écoutées et il avait pris sa retraite[1]. Tsao-Tsao l’envoya chercher ; il le nomma inspecteur de ce pays de Ky-Tchéou[2] et lui demanda comment cette province, qui ne comptait pas plus de trois cents mille habitants, passait pour l’une des grandes de l’Empire ? « Dans ce temps-ci, répondit le mandarin, l’Empire se brise en morceaux, les provinces sont violemment séparées ; les deux fils de Youen-Chao, Tan et Chang, se font une guerre acharnée ; les gens du Ky-Tchéou meurent en si grand nombre, que leurs corps couvrent la plaine. Les troupes de l’Empereur arrivent-elles précédées d’une réputation d’humanité et de clémence, s’informent-elles des mœurs et des usages d’un pays pour les respecter, enfin, délivreront-elles le peuple des fléaux qui l’accablent ?. On l’ignore jusqu’ici ; la première chose qui vous occupe, c’est le nombre des cuirasses et de ceux qui peuvent les porter ! Comment les hommes et les femmes d’une province vaincue se tourneraient-ils vers vous avec espérance ! » À ces paroles, le premier ministre devint pensif ; il remercia ce mandarin de son conseil et le traita avec de grands égards.

Les affaires du Ky-Tchéou étaient donc réglées ; Tsao-Tsao envoya des espions chargés de recueillir des informations sur Youen-Tan ; voici ce qu’ils rapportèrent : Ce dernier avait profité

  1. Littéralement : il avait prétexté une maladie et restait dans sa maison. Son surnom honorifique était Ky-Kouey ; son pays natal, la ville de Tong-Wou-Tching, dans le Tsing Ho.
  2. En chinois Pie-Kia, expression que le mandchou transcrit sans la traduire. Comme les dictionnaires ne l’expliquent pas non plus, nous empruntons au texte même de Khang-Hy la définition suivante : Pie-Kia ( littéralement, celui qui mène un char à part) ; c’est le nom d’une dignité. Sous les Han, ce magistrat avait les mêmes fonctions que le Tsang-Ssé-Ssé, le secrétaire chargé de suivre les affaires. Quand le gouverneur en chef de la province se rendait au tribunal, il l’accompagnait sur un char particulier ; de là cette dénomination.